Le projet Starlink
Lorsque le Soleil se couche et que le ciel nocturne apparaît, les astronomes peuvent observer une multitude d'objets célestes: étoiles, planètes, nébuleuses, galaxies, comètes, étoiles filantes... De temps à autre, ils observent également le passage de la Station Spatiale Internationale (ISS), mais aussi les satellites artificiels. Jusqu'en 2019, le nombre de satellites était relativement contenu: on dénombrait environ 2500 satellites opérationnels en orbite autour de la Terre. Cette quantité, pourtant déjà conséquente, n'augmentait que lentement. Jusqu'à ce qu'un jour, la société Space X dévoile un nouveau projet: Starlink...
De quoi s'agit-il ?
Le projet Starlink a été créé par Elon Musk (fondateur de la société américaine Space X). Annoncé officiellement en 2015, ce programme a pour but de donner accès à Internet partout dans le monde, grâce à une immense constellation de satellites. Ces derniers se déplacent sur différentes orbites afin de couvrir toute la surface planétaire, en particulier dans les zones non-desservies par les réseaux dits terrestres. Par rapport aux autres satellites de communication, Starlink doit permettre de réduire le temps de latence et améliorer considérablement le débit.
Dans un premier temps, il est question de lancer 12 000 satellites. A moyen terme, le nombre total devrait s'élever à 42 000. Dans le domaine de l'astronautique, il s'agit d'un record historique. La première mise en orbite a eu lieu le 22 Février 2018 avec l'envoi de deux prototypes (baptisés Tintin-A et Tintin-B). Depuis cette même année, Space X s'est donnée 5 ans pour envoyer 2200 satellites. 60 autres prototypes ont décollé le 23 Mai 2019. A partir du lancement suivant (11 Novembre 2019), il ne s'agissait plus de prototypes mais bien de la "version 1.0" des satellites. Chaque décollage permet désormais d'envoyer 60 specimens. Au 16 Avril 2020, on comptait 302 satellites Starlink autour de la Terre.
D'ici 2025, Elon Musk espère atteindre 40 millions d'abonnés. Le projet Starlink devrait rapporter 30 milliards de dollars. C'est entre autres avec cette somme qu'Elon Musk souhaite financer son projet d'exploration de la planète Mars. Cependant, ces estimations font l'objet d'un débat dans la mesure où un tel chiffre d'affaire semble optimiste selon les économistes.
A quoi ressemblent ces satellites ?
Lorsqu'ils traversent le ciel, ces satellites prennent la forme d'un simple point, comme n'importe quel autre satellite. Au cours des premières semaines qui suivent leur mise en orbite, ils sont très lumineux (parfois plus que certaines étoiles). Leur luminosité diminue au fil du temps, si bien que tous ne sont plus observables au bout d'un certain temps. Leur couleur varie du blanc au jaune-orangé. Comme tous les satellites, ils ne font aucun bruit et ne clignottent pas. Leur trajectoire demeure variable étant donnée la quantité importante de satellites à coordonner.
Les satellites sont déployés en groupes. De ce fait, peu après le lancement, il est possible d'observer des "trains de satellites": en réalité, les satellites se suivent. Ils s'écartent ensuite peu à peu, et adoptent ensuite leur orbite définitive.
La première partie de la constellation (4425 satellites) doit être placée sur une orbite comprise entre 1150 et 1325 km d'altitude. Une seconde partie (7518 satellites) doit se situer à environ 340 km d'altitude. A long terme, Cette disposition devrait évoluer: l'ensemble des satellites seront répartis à trois altitudes différentes: 7500 satellites à 350 km, 1600 satellites à 550 km et 2800 satellites à 1150 km. Une telle organisation est sensée permettre l'optimisation des communications entre le centre de contrôle de Space X, la constellation de satellites et les utilisateurs.
Si vous souhaitez observer Starlink, vous pouvez modéliser leur trajectoire dans le ciel en fonction de votre lieu d'observation. Pour cela, rendez-vous sur le site Heavens-Above: heavens-above.com
Vous pouvez également visualiser la position de chaque satellite sur le planisphère du site Satmap. N'oubliez pas de sélectionner la bonne option dans le menu situé en haut à gauche du site: satmap.space
Starlink: une menace pour le ciel étoilé...
La majorité des scientifiques et astronomes s'accordent à dire que le projet Starlink constitue une véritable menace pour la sauvegarde du ciel étoilé. Pour rappel, le ciel est considéré comme patrimoine de l'humanité. Or, en plaçant 42 000 satellites en orbite, la société Space X génère à elle-seule une pollution lumineuse spatiale beaucoup plus importante que l'ensemble des satellites envoyés dans l'espace depuis le début de l'exploration spatiale. L'orbite des satellites n'étant pas géostationnaire, ces objets artificiels peuvent donc passer devant presque n'importe quelle nébuleuse, galaxie, planète, etc... Pour les astronomes, c'est toute la recherche astronomique qui sera impactée dans les années à venir: les observations au télescope seront gênées par l'intrusion des satellites, l'imagerie sera contrainte voire limitée. Pour les astronomes amateurs, l'astrophotographie deviendra beaucoup plus difficile. Même si la vitesse des satellites demeure assez élevée, ce n'est pas suffisant pour rendre ces objets invisibles. La magnitude apparente peut atteindre -2. Autrement dit, certains satellites Starlink sont presque plus lumineux visuellement que Mercure (magnitude -1,9) ou l'étoile Sirius (-1,46) par exemple. De plus, les sursauts de luminosité des satellites (en grande partie dûs à l'orientation des panneaux solaires) peuvent exceptionnellement atteindre le même niveau que Vénus.
A l'oeil nu, les satellites Starlink s'observent assez facilement dans les jours qui suivent leur mise en orbite. Au fil des semaines, leur repérage s'avère plus délicat et ils deviennent plus discrets. Attention toutefois: malgré cette relative discrétion, les satellites ne disparaissent pas: il reste tout à fait possible de les localiser. On notera qu'il est possible de voir jusqu'à 110 satellites simultanément dans le même ciel. Au télescope, les satellites ne sont visibles que quelques secondes, s'ils passent dans le champ de l'instrument. Cependant, en astrophotographie, ils sont bien plus visibles car ils laissent sur l'image une traînée blanchâtre. Du côté des observatoires professionnels, on estime que la quantité de données inexploitables varie de 1 à... 50%!
Outre le problème de l'astronomie pratique, il existe aussi un risque accru de collision. Ce risque a été multiplié par 20 selon les scientifiques. Les opérateurs du monde entier sont donc très nombreux à contester ce projet malgré les discours optimistes d'Elon Musk.
En définitive, le projet Starlink, aussi inédit qu'historique, est le premier du genre à se concrétiser. Aucun autre projet concurrent n'a encore vu le jour malgré les annonces de plusieurs entreprises internationales (comme Amazon par exemple). Le projet One-Web, similaire à celui de Starlink, a été abandonné en raison des conséquences économiques liées au Covid-19. Dans ce domaine, Space X continue donc d'avancer. Au regard des conséquences aussi bien positives que négatives qu'un tel projet peut engendrer, il ne reste donc plus qu'à voir à quoi ressemblera le ciel étoilé dans plusieurs années, à moins que la législation en matière d'exploitation de "l'espace" évolue d'ici là, obligeant Elon Musk à revoir ses ambitions...
Découvrez le site officiel du projet Starlink à l'adresse suivante: www.starlink.com/
- Article rédigé par l'Astronome Eclipse pour Astropleiades. -
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