Planck et le fond diffus cosmologique
Observer le ciel, c'est observer le passé. La lumière émise par les objets célestes met parfois plusieurs années à nous parvenir. Ainsi, nombreux sont les scientifiques qui cherchent à observer les étoiles les plus éloignées, et donc les plus anciennes. Aujourd'hui, cette quête est devenue une réalité grâce aux nouvelles technologies optiques et informatiques. Mieux encore: en quelques dizaines d'années « seulement », les astronomes ont réussi à obtenir une image de ce qu'il ne pouvaient pas voir de leurs propres yeux jusque là. L'image des premiers photons, ceux qui ont effectué un voyage de presque 13,8 milliards d'années-lumière, est enfin à leur portée. Ou plutôt, c'est pour très bientôt. Avec des télescopes comme Planck, il ne reste que quelques milliers d'années à retracer pour visualiser ce qui a immédiatement succédé au Big Bang...
Le fond diffus cosmologique doit son existence aux théories d'un scientifique nommé Max Planck. Celui-ci est le premier à avoir expliqué qu'un corps céleste émet un rayonnement dans l'espace. Ce principe, édicté en 1899, est toujours considéré comme un fondement aujourd'hui. C'est donc en hommage à ce physicien que le télescope qui devait cartographier le fond diffus a été baptisé « Planck ».
Si Planck est le satellite le plus performant pour un tel travail, il n'est pas le premier à avoir été envoyé dans l'espace pour effectuer cette cartographie. Effectivement, c'est le satellite COBE (Cosmic Background Explorer) qui fut le premier à rechercher les premières lueurs de l'Univers. Son lancement a eu lieu le 18 Novembre 1989 et sa mission s'est achevée le 23 Décembre 1993. Puis, le 30 Juin 2001, le satellite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) prit la relève en recueillant des données plus précises et mieux exploitables pendant 9 ans. A ce stade du projet, les scientifiques commençaient à avoir une meilleure idée de « l'apparence » du fond diffus, également appelé le rayonnement fossile. Par chance pour les astronomes, ce rayonnement est toujours observable, et le projet ne s'est pas arrêté là. Le 14 Mai 2009, le satellite Planck a donc repris le flambeau (sa mission s'est terminée en 2013).
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Pour mieux comprendre l'origine et la nature du fond diffus cosmologique, il faut se pencher sur les premiers instants de l'Univers. Mais avant d'aller plus loin, notons que l'origine de l'Univers est un thème central de la cosmologie, qui fait toujours l'objet de controverses à l'heure actuelle. Parmi les nombreuses théories scientifiques qui tentent de l'expliquer, et afin d'utiliser une référence pour la compréhension du sujet, on considère la théorie du Big Bang comme la théorie officielle, approuvée par une majorité. On se cantonnera donc à cette théorie et elle seule pour l'article, ce qui n'empêchera pas les intéressés de développer une étude parallèle tenant compte des diverses théories cosmologiques.
Le modèle standard de la cosmologie présente une hypothèse disant que toute la matière (et/ou toute l'énergie) s'est trouvée rassemblée à un moment donné. Ici, on peut déjà introduire la notion de Big Bang : cette expression a été prononcée pour la première fois en 1951 par l'astrophysicien Fred Hoyle pour indiquer l'évènement à la suite duquel aurait débuté l'expansion de l'Univers. Le modèle standard constitue aujourd'hui le point d'union entre la cosmologie et la physique des particules dites "élémentaires". L'effort principal des physiciens se concentre sur la définition d'un modèle de lois physiques dans lequel on puisse considérer un seul type de forces et un seul type de particules, une condition qui, dans le modèle standard, devrait être valable au moment où la matière s'est étendue comme une explosion*.
[*Note importante : Concernant l'idée préconçue d'explosion, une mise au point s'impose : selon la théorie, "l'espace concentré" se serait bel-et-bien comporté comme une explosion même si ce n'en est pas une à proprement parler. On distingue donc sa nature et son apparence dans le modèle standard.]
D'après ce modèle, l'Histoire de notre Univers commence il y a quelques milliards d'années. Jusqu'à présent, les multiples estimations ont donné un âge compris entre 8 et 25 milliards d'années. Or, depuis 2012, les données du télescope Planck ont permis de calculer et confirmer que l'Univers est âgé de 13,8 milliards d'années.
Ainsi, l'Univers tel que nous le connaissons et décrivons est apparu lors du Big Bang, période d'une durée égale à 1x10^(-43) seconde, et c'est durant ce bref instant que tout l'espace, concentré dans un volume inférieur à celui d'un microbe, s'est étendu de manière exponentielle sous l'effet de la pression. Puis, pendant 400 millions d'années, l'Univers a commencé à se refroidir.
Avec un instrument comme Planck, il a été possible d'imager intégralement les plus vieilles lumières cosmiques dès la première année de la mission. En deçà d'un million d'années, ces lumières sont de plus en plus difficiles à détecter et à observer au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'instant du Big Bang. Dès 2009, les scientifiques ont donc relevé la plupart des traces du rayonnement fossile, et ce à travers plusieurs fréquences. Pour réaliser cet exploit technique, il a fallu contourner un obstacle de taille : notre galaxie (que l'on nomme aussi la Voie lactée). En effet, la plupart des étoiles visibles depuis la Terre ne sont en fait qu'une portion du nombre total d'étoiles existantes. Par ailleurs, les étoiles "invisibles" sont dissimulées derrière les nuages de poussière et les nébuleuses contenues dans la galaxie (cette dernière occupant une large place dans le ciel!). En étendant le domaine d'observation au delà du visible (soit du micro-ondes à l'infrarouge), les informations inaccessibles en optique sont alors à portée. Le travail de l'équipe scientifique du télescope Planck a donc commencé bien avant l'étude du rayonnement fossile lui-même:
→ « Aux plus basses fréquences, Planck trace la distribution de l'émission […] des électrons relativistes qui interagissent avec les champs magnétiques galactiques. Une composante diffuse supplémentaire, « l'émission de micro-ondes anormales », attribuée à des particules de poussière en rotation, est également présente ici.
→ Aux fréquences d'ondes intermédiaires (correspondant aux longueurs d'onde de quelques millimètres), le signal est dominé par l'émission thermique de gaz ionisé chauffé par de nouvelles étoiles chaudes.
→ A des fréquences encore plus hautes, Planck trace la distribution de poussières interstellaires, y compris les noyaux compacts et froids en phase finale d'effondrement vers la formation de nouvelles étoiles. » (extrait du site officiel de la mission Planck)
Planck et la radio-astronomie:
L'étude dite « multi-fréquences » du milieu interstellaire est le moyen le plus efficace pour discerner les mécanismes qui constituent le fondement de l'Univers observé. D'un point de vue technique, cela se traduit par une cartographie divisée en deux série de données: D'abord, on trouve une suite de six hautes fréquences situées entre 100 et 857 GHz. Ensuite, il y a trois basses fréquences comprises entre 30 et 70 GHz.
A raison d'une carte par fréquence, neuf cartes stellaires ont pu être élaborées durant les quinze premiers mois de la mission. L'analyse précise de ces cartes est à l'origine depuis 2011 d'un référencement de plus de 15 000 sources d'émission. Il s'agit en réalité de zones où se trouvent des objets dont la nature est généralement connue : amas, galaxies, sources astrophysiques diverses...
Avec Planck, les scientifiques continuent de parcourir et approfondir les résultats dont la qualité ne cesse de s'améliorer. A chaque nouvelle cartographie, un pas de plus est accompli vers l'instant initial associé au Big Bang. Par rapport aux précédentes missions, plusieurs détails obscurs ont été clarifiés. Par exemple, on sait aujourd'hui que les galaxies ont tendance à brouiller le rayonnement fossile. Plus précisément, la matière de ces objets célestes dévie la trajectoire de la lumière primordiale (c'est ce qu'on appelle d'ailleurs l'effet de lentille gravitationnelle).
De plus, la répartition de la matière est maintenant mieux cernée, bien qu'il reste encore de nombreux éléments à comprendre. D'après les chiffres officiels, les données recueillies avant la mission Planck indiquaient la composition suivante : 78% d'énergie noire, 23% de matière noire et 4,5% de baryons (note: un baryon est une catégorie de particules incluant notamment les protons et les neutrons). Or, cette proportion a depuis été revue et approuvée grâce aux données de Planck : l'Univers est donc constitué à 69% d'énergie noire, 23% de matière noire et 5% de baryons.
La mission Planck s'est achevée à la fin de l'année 2013. Toutefois, l'importante quantité de données récoltées par le télescope spatial ne pourra être entièrement étudiée qu'après un bon nombre d'années, voire plus d'une décennie. L'objectif premier de la mission est d'ores-et-déjà atteint mais la possibilité d'aller plus loin dans l'analyse du fond diffus est envisagée par les scientifiques depuis longtemps. De même, en dehors du rayonnement fossile, Planck apportera à coup sûr de nouvelles informations sur le milieu interstellaire en général. En effet, tout porte à croire que l'Univers nous cache encore de nombreux secrets...
- Article rédigé par Jean-Baptiste Faupin pour Astropleiades. -
Commentaires
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- 1. Gounague Petuche Le 02/06/2017
Effectivement, c'est juste magnifique ! Ouaaaa ! Amazing !! Ouaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !! J'ai dit OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!
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